[SRP1- Jeudi matin] Réveil difficile

Lumière. Odeur d'iode et de sel, et celle, reconnaissable entre toutes, des embruns parfumés. Des cris d'oiseaux aussi; d'une espèce endémique de mouette argentée, il lui semblait. Puis le reflux des vagues.
Thanatos se leva, les yeux déchirés par la lumière. Il faisait grand jour déjà, mais il était dans une crique, seul, et le soleil, du côté opposé, ne tapait que depuis peu sur son corps; ce qui, certainement, l'avait réveillé. Il faisait une chaleur agréable malgré un vent marin puissant, et le soleil, bien que puissamment lumineux, ne l'agressait pas.
Encore, pensa t'il. Ce encore le rassura: s'il le pensait,c'est qu'au moins il n'avait pas perdu la mémoire une seconde fois. Par contre il était nu, encore une fois. Il se décida à chercher ses affaires. Cela lui revenait, tranquillement. Il venait de se rappeler ou étaient ses habits: enroulés, cachés dans un creux de rochers, protégés tant du vent que de la marée, ils l'attendaient, réchauffés par les pierres que le soleil baignait depuis...
Depuis quand ? Au vu de la lumière et de la position du soleil, il devait être pas loin de 11h00. Peut être 11h30. Mais que faisait il là, pensait il alors qu'il passait un pantalon ?
Finalement, la réponse s'imposa d'elle même. Voyant son sac -une sacoche en bandoulière d'infirmier militaire, en toile- il se remémora la nuit précédente. Il était allé, en pleine nuit, avec ses affaires d'herboristerie afin d'aller chercher de la russule phosphorescente marine, qui poussait abondamment sur les pierres des criques rocheuses. Et la plante, phosphorescente, se cachant dans les ombres des criques, il avait décidé d'y aller de nuit, afin de pouvoir, son talent de nyctalope aidant, en cueillir quelques pousse pour en mettre en culture chez lui.

Il n'avait d'ailleurs toujours pas trouvé ni d'où, ni pourquoi il avait un tel talent. Le fait est qu'il voyait en pleine nuit comme en fin d'après-midi, sans grandes difficultés, et que cela lui était pour le coup très secourable. Cependant qu'il pensait, il se roula une cigarette, mélange de tabac et d'herbes odorantes aux arômes puissants qu'il avait confectionné, et, prenant une longue bouffée, expira pensivement, par les narines, de longs volutes parfumés.

Il ne se rappelait toujours de rien. Cela faisait déjà deux jours -deux nuits et un jour pour être exact, car il s'était réveillé en fin d'après-midi- et toujours rien. pas le moindre souvenir d'avant ce mardi soir. Un mur, noir, bien épais, et totalement opaque. Non pas qu'il n'eut rien dans la tête qui ne data d'avant: il avait su, d'instinct, se rappeler des noms latins et des propriétés des plantes qu'il entretenait; de la manière dont il fallait manier et entretenir le sabre et le wakizashi; du mécanisme qui permettait d'ouvrir et fermer cette dalle. Mais rien sur lui, où en rapport. Ni son, ni musique, ni image, ni idée, ni nom. Ni rien.
Black-out total.

Cependant, loin d'éprouver une terreur ou une préoccupation qui aurait put sembler normale, il éprouvait en fait un profond sentiment de tranquillité: si quelqu'un tenait à lui ou le connaissait, il le chercherait sans doute et le trouverait sans mal, sur une si petite île, même s'il cherchait paresseusement. D'un autre côté, si personne ne le trouvait ou venait le chercher, c'est qu'il ne manquait à personne, donc c'était une possibilité, le cas échéant, de tout reprendre à zéro. D'un côté comme de l'autre, il savait que le mieux qu'il pouvait faire était de rester à ce qui semblait être son domicile.
Néanmoins, il n'était guère préoccupé par cela: il avait la certitude instinctive que personne ne le cherchait, et, pis encore, que sa perte de mémoire n'avait rien de tragique, ni de problématique, comme si cette perte de mémoire était de son fait. D'ailleurs, ç'aurait put l'être. De toute façon, il ne s'en rappelait pas.

En fait, la seule chose qui le préoccupait un tant soit peu, c'était justement que ça ne le préoccupait pas.
Toute personne normalement constituée, voyant qu'elle n'avait plus de mémoire, aurait aussitôt paniqué, contacté la police, etc... Mais pas lui.
Toute personne normalement constituée, se sachant amnésique, aurait été prise d'angoisse. Alors que, plusieurs jours après, elle n'avait pas été retrouvée, elle aurait commencée à s'interroger sur son passé: que faisait elle ici; pourquoi était elle là; depuis quand... Mais pas lui.
Toute personne normalement constituée, dans un cas pareil, n'aurait jamais tenu un raisonnement aussi platement rationnel et calme, ne se serait jamais retrouver à penser ainsi une telle situation.
Il savait qu'il ne réagissait pas normalement. Que quelque chose ne se passait pas normalement. Et, loin d'en avoir peur, il sentait au fond de lui que c'était normal pour lui. Qu'il était normal qu'il ne réagisse pas normalement. Loin d'en avoir peur, il avait en fait toute confiance dans cette anormalité.

Mais alors se posa dans son esprit une question, au fond plus rhétorique que réelle:
Etait il une personne normalement constituée ?

Jade c'était intéressé grandement au cas "Thanatos". Il était rentré, comme tous les nouveaux sujets, en début de semaine. Il c'était intégré à sa nouvelle routine mais chaque jour l'homme semblait subir un Reboot. Il n'avait aucune mémoire.

Très poétique, l'herboriste avait pour faculté de se réadapté très rapidement à ce qui l'entouré et de déduire de son environnement qui il était et ce pourquoi il était venu. Jade le suivait de loin, elle l'avait observé toute la soirée jusqu'à ce qu'il finisse allongé sur la plage. Elle n'avait pas réagis mais maintenant qu'il était réveillé, elle allé mettre à profits ses talents d'actrice pour interagir avec lui.

Ce qu'il faut savoir c'est que la veille Jade avait déjà interagis avec le jeune homme, elle l'avait aguiché et cela semblait n'avoir pas mal marché... Il avait néanmoins coupé court à la conversation en partant rechercher ses plantes.

Sachant que l'homme sans mémoire ne se souviendrait plus d'elle, la jeune fille change de peau... le choix entre la promeneuse normale, la dépressive qui venait se jeter du haut d'une falaise... non il y vait mieux.. du moins plus originale.

Tandis que l'homme s'occupait de sa pipe, Jade s'élance en saut de l'ange vers les bas des coteaux. Elle plonge alors et nage, grâce aux ailes d'ange qu'elle venait de faire apparaître. Elle nage alors quelques bonne minutes jusqu'à être suffisamment loin mais encore visible. Elle remonte à la surface et se met à hurler au secours, attendant d'être vue et secourue par l'amnésique

Thanos, prenant tout loisir à pétuner, était tranquillement allongé, se prélassant au soleil. Il écoutait le flux régulier des vagues, tout en sirotant une bouteille de whisky qui était apparue par un miracle dont il n'avait pas le secret, dans le fond de son sac, et qui, par ce même miracle, était constamment fraîche. Ainsi, l'alcool et la fatigue aidant, il commençait à divaguer dans le calme silencieux des vagues. Il s'imaginait dans une jungle luxuriante de feuilles de tabac, épaisses comme des feuilles de choux et vertes émeraudes, comme à cuba; ça et là, des plants de thés divers mêlés aux pieds de chanvres afghans et indiens, et dont les arômes parfumés s'embrassaient et assaillaient ses sens, tandis que, au ras du sol, apparaissait une mer écarlate de pavot somnifères, qui remuait dans un doux bruissement. Sans savoir vraiment pourquoi, il se mit à courir à travers ces feuilles et ces fleurs, tandis qu'il entendait au loin, presque imperceptible, le cri d'un loup, qui hurlait à la lune. Cependant, il s'étonna de la consonance bizarre de ce cri, trop aigu, trop sec. Un son occlusif.
Il se mit à scruter le ciel: après tout, un tel son pouvait provenir de certains oiseaux, et, l'altitude, le vent, et la distance aidant, déformer un son raclant en son occlusif.
Puis, ce faisant, il distinguait plus clairement encore le son; il entendait successivement des mots qui lui venaient à la tête, des ordres q'une voix intérieure lui donnait.
"Cours". Pareil que tout à l'heure. Il s'était mis à courir sans raison. Était-il dans un quelconque danger ? Un vague sentiment de doute le traversa.
Puis un autre mot: "Aboie". Là, ce fût la surprise et l'interrogation qui le traversèrent de part en part. A priori, il n'avait rien d'un chien, et même s'il avait certainement dut en avoir un au regard des traces de morsures et de griffes qui se trouvaient sur le bois de ses meubles, il n'en avait, malgré une recherche méticuleuse, trouvé aucun signe de chiens dans sa maison.
Encore un: "Aleph". Aleph ? Il se souvint, vaguement. L'Aleph était la première lettre de l'alphabet juif, l'équivalent de l'alpha grec. Il symbolisait lui aussi le début, le commencement. Cependant qu'une part minuscule de son cerveau se demandait, furtivement, où il avait apprendre un truc pareil, une autre part se questionnait sur ce que son subconscient essayait de lui dire.
Cours. Aboie. Aleph.
Etait il en danger ? Ou avait il pris des cours d'hébreu, ce qui expliquerai qu'il connaisse l'Aleph. Dans ce cas était il juif ? Cela le faisait douter, car il avait pût remarquer qu'il était effectivement circoncis, mais après tout cela n'avait rien d'extraordinaire, et il avait trouvé du jambon chez lui. Finalement, il se demandait si cette rêverie ne lui serais d'aucun secours.

Puis la foudre traversa son crâne. Ce fût comme une brusque apparition qui l'électrisa; un vertige très violent, terrifiant, qui lui fit l'effet de la foudre traversant entièrement son être. Il sentit un frisson atroce, comme un couteau qui remonterait sa chair, le traverser de l'extrémité de sa colonne vertébrale à la base du crâne; ses os, lui semblèrent se remplir d'eau, éclater de l'intérieur; son coeur se souleva violemment, se serra, se compressa, implosa en se contractant longuement, puis explosa en envoyant dans son corps un sang sous haute pression, lequel, en traversant son corps, lui sembla gelé, propulsé de force à travers ses veines, les déchirant en passant. Ses tympans explosèrent sous le brouhaha duquel émergeait un sons qui déchirait l'espace sonore. Ses yeux prirent feu sous la puissance de l'intense soleil. Alors qu'il s'agitait, il se sentit tomber dans le vide. Il ouvrit la bouche et inspira si violemment et si fortement qu'il eut, en même temps que l'impression de se déboîter la mâchoire, la sensation que ses poumons allaient exploser.
En une fraction de seconde, tout s'était agencé dans son crâne, tandis qu'en même temps que toutes ces images, son raisonnement, toutes ces impressions fugitives et ces sensations assaillaient sa tête, il se leva et d'instinct, se mit à courir vers le large en arrachant ses vêtements.

Au secours. A moi. A l'aide.

La jeune fille était loin, pas loin de 100 mètres dans l'eau, et tandis que, dépassé par son propre corps, il se faisait cette remarque, il était déjà nu dans l'eau, à 5 mètres de la berge. Son esprit, encore embrouillé, posait des questions alors que son corps, régit par un système autonome minimum de survie, fonçait, totalement indépendant vers la femme qui se noyait.
Comment était elle arrivée là-bas ? Le vent était très calme, il n'y avait pas de marées exceptionnelles annoncée et la pleine lune venait juste de passer, donc la mer se faisait calme. D'ailleurs, il était ici dans une crique, à l'abri du vent et des courants, elle n'avait donc pas pût se retrouver emportée ici. En plus, il était là depuis un certain temps, et il ne l'avait pas vue ni entendue passer, alors qu'il avait, pourtant, l'ouïe fine. C'était d'ailleurs un miracle que dormant, abruti par l'alcool, et malgré les vagues, il ait pût entendre sa voix.

Alors qu'il se faisait cette réflexion, il se rendit compte qu'elle était dans ses bras déjà. Immédiatement, il avait sût qu'elle était vivante; il lui semblait percevoir son souffle, son coeur qui battait. Instinctivement, sans savoir comment, il sentait qu'elle vivait.
La suite fût bien plus simple. Sur son dos, il nagea aussi vite que possible au bord, et l'allongeant sur le sable, se pencha sur elle pour vérifier son état.
Il prit son pouls, puis surveilla sa respiration. Tout allait bien.

Prenant des sels de pâmoison qu'il avait avec lui -il en avait trouvé chez lui, et, au vu du nombre de fois qu'il se réveillait sans savoir où il était, il lui semblait que ce devait être une idée d'en prendre-, il en brisa une ampoule et lui mit sous le nez le tube.
Inspirant, la jeune femme se réveilla, déconfite par l'odeur.